Le boomerang des sanctions économiques. Lorsque les sanctions européennes contre la Russie causent des problèmes à nos propres entreprises, une approche différente est nécessaire.
Opinion du 15/04/2022 de Fa QuixPour être clair, l'invasion militaire de l'Ukraine par Poutine est un crime odieux contre lequel l'Occident, et de préférence le monde entier, doit protester et réagir vigoureusement. Mais la question est de savoir comment le faire au mieux. Il est logique que nous accordions à l'Ukraine et à ses citoyens durement éprouvés un soutien maximal, humanitaire et même militaire. Mais il convient de s'interroger de manière critique sur la question suivante : est-ce qu’un énième train de sanctions économiques de l'UE est la bonne approche à adopter ?
Les sanctions qui ont été prises, et qui peuvent être envisagées, doivent être considérées à la lumière de leurs effets négatifs sur notre propre économie.
En effet, même en l'absence de sanctions économiques, les économies occidentales sont déjà mises à rude épreuve : tarifs plus élevés que jamais pour le gaz, le pétrole et, par voie de conséquence, l'électricité, nouveaux problèmes d'approvisionnement dus, par exemple, à l'interruption des livraisons en provenance d'Ukraine en raison de l'arrêt des usines dans ce pays (voir, par exemple, les faisceaux de câbles destinés aux usines automobiles allemandes), problèmes de logistique et de transport, difficultés de paiement, etc. C'est déjà en soi une charge supplémentaire importante qui pèse sur les épaules de nombreuses entreprises occidentales.
En outre, les sanctions économiques contre la Russie menacent de porter un coup fatal à certaines entreprises. L'intention n'est certainement pas que les sanctions contre la Russie affectent considérablement nos propres économies. Nous devons donc nous prémunir contre l'effet boomerang des sanctions lorsque nous nous tirons une balle dans le pied. Et pourquoi nos citoyens et nos entreprises devraient-ils ‘payer’ pour l'erreur de calcul stratégique de nombreux Etats membres de l'UE dans leurs politiques énergétiques ? Ainsi, la sécurité d'approvisionnement de notre propre énergie nucléaire, par exemple, est sacrifiée au profit de la dépendance au gaz de la Russie, comme en Allemagne, qui souhaite soudainement se débarrasser rapidement du gaz russe, bien que cette voie ne soit pas réaliste.
Et ce ne sont pas seulement nos citoyens et nos entreprises qui subissent l'effet boomerang des sanctions. Le Russe lambda, qui doit lui aussi subir cette guerre, en est également la victime, et pas seulement le régime autocratique belliciste qui dicte sa loi. L'élite russe et le clan entourant le président, y compris les oligarques, ne souffriront pas du froid ou de la faim, mais ce sera bien le cas de millions de citoyens russes. Des sanctions ciblées contre l'élite russe sont donc certainement la meilleure option.
Nos entreprises sont doublement touchées, d'une part par l'effet boomerang des sanctions, mais d'autre part aussi par les ‘effets de second tour’ de l'inflation galopante, alimentée par la guerre en Ukraine, et les augmentations des coûts salariaux qui en découlent. Et en Belgique, c'est encore plus vrai que dans les pays voisins en raison du système d'indexation automatique des salaires.
Lorsque les sanctions européennes contre la Russie causent davantage de problèmes à notre propre économie, une approche différente est nécessaire. Les sanctions qui ont été prises, et qui peuvent être envisagées, doivent être considérées à la lumière de leurs effets négatifs sur notre propre économie. Si elles nous causent des dommages économiques, elles doivent être abandonnées. Et pourquoi l'UE ne déploie-t-elle pas beaucoup plus d'efforts en faveur d'une solution diplomatique, d'une désescalade du conflit ? En fin de compte, la Russie sera toujours notre grand voisin avec lequel le reste de l'Europe devra trouver un modus vivendi d'une manière ou d'une autre.
Il est du devoir de l'UE de protéger au maximum ses citoyens et ses entreprises des conséquences négatives de la guerre en Ukraine, notamment sur le plan économique.
Fa Quix, directeur général