L'Allemagne fait cavalier seul et mine non seulement la solidarité européenne, mais menace également le marché unique. Qui rappellera le pays à l'ordre ?

Opinion du 09/12/2022 de Fa Quix

L'époque à laquelle l'axe Paris-Berlin était le moteur de l'intégration européenne est bien révolue. La démonstration en a été récemment faite quand le Chancelier Olav Scholz s'est rendu en Chine au mois de novembre et est ainsi devenu le premier dirigeant occidental à féliciter Xi Jinping pour sa réélection. Scholz a rejeté l'offre du président français Macron de l'accompagner afin d'envoyer un ‘signal européen’ à Xi, et non un signal purement allemand. Le Chancelier, dont l'initiative a été critiquée même en Allemagne, a entraîné dans son sillage de grandes entreprises allemandes, telles que les célèbres constructeurs automobiles. Les intérêts économiques allemands priment largement sur les intérêts européens.

L'Allemagne fait cavalier seul et mine, grâce à ses généreuses subventions énergétiques, non seulement la solidarité européenne, mais menace également le marché unique.

Nous constatons également que l'Allemagne fait preuve d'égoïsme dans le cadre de cette crise énergétique. Le pays met la main à la poche pour atténuer l'impact de la hausse des prix de l'énergie sur les citoyens et les entreprises allemands, ce qui est en soi une bonne chose. Mais pas moins de 200 milliards d'euros y seront consacrés en 2023, un montant exorbitant. Les tarifs préférentiels dont les entreprises allemandes bénéficieront dans ce processus fausseront la concurrence sur le marché unique de l'UE. Nos calculs, basés sur les données de quelque cinq entreprises, indiquent un différentiel de coût énergétique au détriment de l'industrie belge de l'ordre de 40 à 60 % de la facture énergétique. Les concurrents allemands peuvent dès lors proposer de meilleurs prix aux clients grâce à cet avantage de coût. Ce qui leur permet de nous concurrencer de manière déloyale. L'Allemagne fait cavalier seul et mine, grâce à ses généreuses subventions énergétiques, non seulement la solidarité européenne, mais menace également le marché unique.

Et pour ne rien arranger, la solution européenne privilégiée – à savoir un plafonnement européen des prix du gaz – est bloquée par l'Allemagne. Effectivement, nos voisins de l'Est ‘acceptent un plafonnement des prix du gaz’... mais à un niveau si élevé qu'il n'entrera jamais en vigueur. Le ‘Atomaustieg’, à savoir la sortie de l'Allemagne du nucléaire décidée en 2011 par la Chancelière Merkel, qui a précédé le Chancelier Scholz, était également une décision unilatérale. Cette décision allemande a engendré une forte dépendance au gaz russe, avec le boomerang bien connu depuis la guerre en Ukraine : des achats ‘panique’ de gaz ailleurs dans le monde, faisant exploser les prix du gaz. ‘L'Energiewende’ (transition énergétique) allemande est donc la cause première des prix élevés de l'énergie en Europe.

Merkel n'était donc pas non plus très pro-européenne, même si certains le pensent, mais elle est parvenue à mieux le dissimuler. Songeons simplement à l'accord d'investissement très déséquilibré entre l'UE et la Chine que Madame Merkel a tenté de nous faire avaler juste avant de faire ses adieux à la scène européenne... il servait uniquement les intérêts de la grande industrie allemande, et au-delà, ceux de la Chine. Entre-temps, l'Europe commence à comprendre que la Chine n'est pas uniquement un partenaire commercial, mais aussi un concurrent majeur, et même une menace systémique.

L'Allemagne fait cavalier seul. Mais qui rappellera l'Allemagne à l'ordre ? La Commission européenne ? N'oublions pas qu'une certaine Ursula von der Leyen y est à la barre. Et de quelle nationalité est-elle ? Si le nationalisme étroit prime sur les intérêts européens communs, notre continent sera encore davantage affaibli dans le grand jeu géopolitique avec des superpuissances comme l'Amérique et la Chine. Cela réduira notre influence dans le monde, mais portera également préjudice à notre prospérité. Je le répète : qui rappellera l'Allemagne à l'ordre ?

Fa Quix, directeur général